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La mémoire musicale

Par Nadine Sarah • 10 décembre 2020

La musique est peut-être l’exemple unique de ce qu’aurait pu être - s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées - la communication des âmes (Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, 1918)

La forme musicale

Figure emblématique de la mémoire du goût, les madeleines de Proust proposent une réflexion sur le souvenir gustatif et son rapport avec le temps. Mais qu’en est-il de la mémoire auditive ? Il existe différentes formes de représentations sonores dans la mémoire à long terme. D’après une étude, la musique solliciterait plus largement le cerveau que le langage, mais comment se manifeste-t-elle dans la mémoire ?

La première forme que prend la musique est liée à la mémoire sémantique musicale ; lorsqu’un extrait écouté est identifié par le cerveau, il peut être reconnu par une familiarité et prend alors la forme d’un air qu’on est capable de chantonner mais incapable de verbaliser. La deuxième forme est liée à l’identification musicale ; la personne peut alors reconnaître l’extrait musical et lui apporter une référence précise quant aux noms de l’œuvre et de l’auteur. C’est par ailleurs, cette mémoire qui est sollicitée lorsque l’on joue au « blind test musical ». La troisième forme est celle de la mémoire épisodique musicale ; il s’agit de la remémoration exacte du contexte d’acquisition musicale, c’est-à-dire qu’à la familiarité et à l’identification s’ajoute l’évocation du souvenir personnel que l’extrait éveille. C’est le cas lorsqu’une musique nous fait penser à quelqu’un, à un lieu, ou encore à une situation vécue au moment de la première écoute.

La répétition musicale

Toute mémoire possède deux aspects ; reconnaissance et reproduction. La reproduction concerne surtout une sorte d’imitation approximative et rares sont les personnes capables de reproduire une musique à l’identique. Cependant quelques-uns sont dotés d’une mémoire qu’on appelle eidétique, comme Mozart, qui leur permet de se souvenir d’une grande quantité de sons dans leurs moindres détails. La mémoire absolue est donc cette faculté à maintenir durant une certaine durée, une mémoire quasiment parfaite du son comme s’il l’entendait toujours. Est-ce une faculté innée ou acquise ? La question est toujours d’actualité.

En mobilisant la mémoire, on peut alors répéter une musique, mais il arrive parfois que c’est notre mémoire qui envoie spontanément et involontairement une mélodie qui tourne et tourne dans notre tête ; il s’agit de l’imagerie musicale involontaire (INMI). Le film d’animation « Vice Versa » a parfaitement illustré ce phénomène en montrant deux ouvriers du Quartier Cérébral qui s’amusent à envoyer régulièrement la chanson d’une publicité dans la mémoire vive de la jeune fille. Cette démangeaison musicale répétitive et difficile à réprimer, toucherait selon une étude 97 à 99% de la population. On ignore encore le mécanisme de ce ver d’oreille, cependant des chercheurs ont montré qu’il serait lié à la perception, aux émotions, à la mémoire et aux pensées spontanées.

L’usage du fond musical

Il est connu que la musique a des effets positifs sur le corps et son usage au service de la santé est souvent sollicité pour des patients ayant des troubles du langage, comme la dyslexie, ou des troubles de la mémoire, comme Alzheimer.

Tous les systèmes de mémoire sont donc mis à contribution par la musique, surtout durant l’apprentissage. C’est pourquoi les enfants qui apprennent la musique et qui développent donc leurs capacités mnésiques, sont amenés à mieux apprendre leurs leçons scolaires. Les bienfaits de la musique sur la réserve cognitive sont également démontrés pour lutter contre le mauvais vieillissement cérébral. En effet, plusieurs études ont montré qu’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ne perd pourtant pas ses compétences musicales, car la musique a des effets sur les structures cérébrales impliquées dans la mémoire et permet de maintenir longtemps ses capacités.

La recherche scientifique de la mémoire musicale se maintient toujours, elle permet une meilleure compréhension de la nature humaine en gardant à la fois une part de mystère sur sa magie et ses limites entre les représentations personnelles et générales.