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Musique et souffrance au travail : médicament ordinaire versus risques extraordinaires

Par Claire Novelli • 24 février 2021

Longtemps inconnus, encore mal identifiés, souvent ignorés des directions d’entreprise et des intéressés eux-mêmes, les risques psychosociaux dans le travail sont pourtant bien réels. La musique pourrait-elle contribuer à leur prise en charge ?

Un problème qu’on ne peut plus ignorer

Pression, délais intenables, charge de travail excessive, harcèlement, manque de contrôle, les sources de danger sont multiples. Longtemps ignorés, ces risques sont devenus plus visibles aujourd’hui, touchant tous les secteurs et toutes les tailles d’entreprises. Bien qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire, la recherche moderne s’est tout de même attelée ces dernières années à lever le voile longtemps resté opaque sur un sujet délicat et sur des maux socialement peu acceptables. L’employeur a, par exemple, une responsabilité désormais inscrite dans la loi. Mais, me direz-vous, se cacher derrière une règle c’est simple. Qu’en est-il de la réelle prise de conscience ? Une approche préventive généralisée serait bien entendu idéale, mais les entreprises sont encore frileuses. Quand on voit pourtant les conséquences possibles, il vaudrait mieux traiter le sujet en amont plutôt que de manière curative.

De lourdes répercussions

La frontière entre métier passion et épuisement professionnel peut parfois s’amincir au point de devenir dangereuse. C’est le travail, celui qui donne d’ordinaire du sens à nos journées, qui vient alors les décharner. Du stress aux conduites dangereuses, en passant par la dépression et les risques d’accident, les acteurs du monde professionnel n’ont eu d’autre choix que d’ajouter la problématique à leur agenda. Ces effets vont pourtant bien au-delà de la sphère professionnelle. Ils arrivent souvent sans crier gare et s’infusent alors dans tous les recoins de la vie, comme le décrit si bien Gaëlle Josse dans son dernier livre “Ce matin la” (éditions Noir sur blanc, 2021). La souffrance au travail peut même parfois conduire à des situations extrêmes comme l’atteste la vague de suicides bien tragiquement médiatisée en 2019 chez Orange. Le débat ne se situe donc plus seulement au niveau de l’individu, il a pris de l’ampleur dans les médias, devenant même un enjeu politique.

Un parallèle intéressant

La musique a quant à elle commencé à offrir une approche thérapeutique ces dernières années, et non plus seulement qu’artistique. C’est ainsi que l’on a pu observer le développement de la musicothérapie. Une étude française intéressante datée de 2018 fait le lien entre les bienfaits de cette dernière appliqués dans les situations de travail. Elle démontre en effet son influence positive sur la réduction du stress et du burnout chez des personnels soignants. Pourrait-on alors envisager là un axe de solution? Selon une autre étude récente, américaine cette fois, des chercheurs de l’Université de Berkeley en Californie montrent que la musique serait capable de déclencher au moins treize émotions-clé. L’expérience a ainsi pu créer une carte sonore interactive associant l’écoute d’un morceau à une émotion. Un premier pont se construit donc entre une expérience musicale subjective et la traduction scientifique de ses effets en émotions, avec des possibilités d’applications nombreuses.

Retrouver du sens

Car ce qui caractérise la souffrance au travail et ses conséquences, c’est souvent la perte de sens, de goût, d’envie, de motivation dans la sphère professionnelle et par écho dans la vie privée. Peut-on alors envisager la musique comme un levier de contrôle pour adoucir les émotions négatives? Un médicament accessible, universel, peu couteux, sans chimie, une réponse à dimension humaine et à la portée de tous, comme un souffle capable d’aider à redonner du sens là où il semble s’être perdu. La question mérite d’être posée. La musique comme outil thérapeutique n’a bien entendu pas la prétention de tout guérir, mais d’apporter au moins un axe de réflexion complémentaire à l’offre existante. Chaque piste, chaque pierre posée qui pourra aider à trouver les solutions contre le fléau moderne de la souffrance au travail reste, en tout état de cause, légitime.